mardi 31 janvier 2012

Best of 2011 - Expos




Monnaie de nécessité, Clément Rodzielski chez Crousel, la Douane, Paris


L’artiste fait d’une potentielle vexation (première expo perso dans les réserves de la galerie) un statement d’une rigueur et d’une malice rare. Attendu au tournant après avoir écumer tous les lieux et expos collectives « qui comptent » ces dernières années, il propose une réflexion en acte, lucide, sur sa propre valeur marchande, sa place dans cette galerie, dans ce lieu et sur ce mur et à ce moment-là de notre époque et pays et de sa vie à lui je suppose. Il affronte le mur, quoi mettre sur un mur, sur ce mur, à quelle taille, de quel format, dans quel médium, pourquoi et comment... Comment justement : sans discours, ni référence ni connivence culturelle, ni mots de passes pour se mettre l’intelligence du spectateur dans la poche : au contraire, il expose la force énigmatique de formes, nues, muettes, colorées, spatiales, complexes, varies et nettes. Manuelles ET informatiques, picturales ET processuelles. Pas d’esquive : une expérience est proposée au spectateur : avancer, longer ce mur, choisir son point d’entrée, aléatoire, au feeling, regarder à l’échelle que l’on veut (des impressions A4) ou une fresque projective qui s’étire à l’infini. L’art de montrer que le travail ne fait que croiser un support physique et marchandisable, qu’il continue bien au-delà, qu’une œuvre est juste une coordonnée topographique (x, y) où se dépose quelque chose qui bouge et se transforme en continue : aucune tentation conceptuelle, souvent prétexte à fénéanter et à abandonner l’exigence des formes. J’ai été interloqué comme rarement dans une expo, perdu, muet et donc ultra stimulé et richement récompensé. Il s’agisait de faire l’expérience de l’œuvre tout bêtement. Ca ne se voit sans doute pas sur les images, mais cette expo ne ressemble à rien de connu, précisément.












Any Ever, Ryan Trecartin & Lizzie Fitch au Musée d’art moderne de la ville de Paris

Je renvoie sur le post dédié à l'expo










Dominique Figarella & Sarah Tritz à Lieu commun, Toulouse






Une rencontre inattendue organisée par Manuel Pomar qui dirige Lieu Commun à Toulouse : un imaginaire pictural, où d’innombrables liens, traits de couleurs, reflets de surfaces, échelles multiples, emboitements à distance, échos de figures, zooms imaginaires, le tout dans ce cadre hyper panoramique au plafond bas. Cadres et épaisseurs verticales ET horizontales, basculées, grouillements de pigments et coulées coagulées, se répondent dans une image globale hyper physique et corporelle mais lyrique et aérée, accueillante. On a rarement l’occasion de voir une exposition aussi dense et généreuse en formes, figures et gestes, complexes, opaques mais clairement visibles. qui donne mais qui ne s’épuise pas. Une exposition sans programme ni thème ni discours ni sujet ni référence où je ne sais quoi de pertinent sur le monde ou l’intelligence des artistes. Juste la prise de risque d’accepter les formes, d’agir pour les faire et les montrer, de dire que vivre c’est être le corps trempé dans tout ça, que vivre une vie, unique, qui n’a jamais exister auparavant, produit donc logiquement des formes inédites, post-modernes oui, mais pas cyniques. En voir plus ici.










Albert Oehlen, paintings 2004-2005, Galerie Max Hetzler, Berlin


Vue in extremis, espace immense, force de peintures, humblement simplement peintures qui réussissent à irradier et à emplir l’espace sans étouffer ni saturer, ni fatiguer le spectateur. On peut rester très très longtemps devant chaque toile sans s‘ennuyer (qui fait des oeuvres qui prennent du temps à voir actuellement ?) : un trait qui se continue d’une toile à l’autre, des jeux de processus stratifiés et spatialisés, des toiles basculées, pivotées pour l’accrochage, des citations, du geste, de la couleur, toujours de la présence, de la joie de faire. Un classique contemporain. Voir le post dédié.









Nice to be dead, Henri Barande, proposition de Eric Corne à l’ENSBA, Paris




Découverte d’un peintre hors circuit classique contemporain, Henri Barande, la soixantaine, qui a fait fortune et peint pour l'amour de l'art, qui a exposé 20 toiles immenses, œuvres autonomes installées ici spécifiquement en diptyques, triptyques, dans 3 salles : des zooms intenses, des trames folles, des figures précises, une force mythologique qui se dévoile progressivement, une vision intense, mais pop/lisse, une célébration de notre capacité à VOIR et à faire du montage, à voir ENTRE les oeuvres. Une expo haute tenue (l’impression tout à coup d’être en Suisse, ou en Allemagne), juste de l’art, pas de blabla. Peut être un brin trop clean/clinique.









Impulse Strategies, Mike Bouchet chez les Vallois, Paris


De superbes peintures réalistes de détails enflés de notre monde, des assemblages de poils et de métal, une vidéo centrale étonnamment bien installée, de la moquette marron sur les murs et un ensemble hyper actifs en liens formels et déploiement imaginaire. Et de l’humour. Il a un coté petit malin mais généreux et suffisament précis dans son étrangeté. Envie de voir ça plus souvent.








Joëlle Tuerlinckx , Geologie einer Arbeit. New and Old Paper-Assemblage in einer Kurzen Orangen Retrospektive, Galerie Nagel Berlin







Première expo dans sa nouvelle galerie, l’artiste belge trop peu vue en France, joue avec la vitrine, tapisse l’espace d’une image de briques tramées sur papier orange fluo. Travaux en cours. Il y a à voir dans tous les axes de l’espace (surtout au sol, pour mon grand plaisir), à toutes les échelles, beaucoup d’humour et de gestes différents, un régal. Seul bémol, le mur de photocopies de documents/encyclopédies noir et blancs : le cliché de notre art de ces dernières années… Voir le post avec mes images ici.




Stranger by Green, Yann Gerstberger à 40 m3, Rennes




Un passage rapide à Rennes, le plaisir des assemblages d’objets trouvés, de la couleur, de multiples trouvailles formelles, d’un appétit des formes du monde (digéré selon un imaginaire de l’art folklorique extra occidental, pop tiers-mondiste), un univers très Rachel Harrison/Sarah Tritz, comme David Douard aussi. Des formes abstraites, des figures, des objets et des surfaces, de la lumière et des couleurs, plaisir de la main et de l’œil à dialoguer, plein d’idées dans chaque œuvre, ce qui nous change de ces artistes qui n’ont une seule idée par carrière. Seul hic, ce titre en anglais …






Phantom, Douglas Gordon chez Yvon Lambert, Paris






Une expo schizo : d’un coté, une mise en scène sophistiquée et hantée de l’image et du spectaculaire avec la projection autour de l’œil de Rufus Wainwright, de l’autre, la première salle aux murs saturés de photographies superbes, un homme vie dans et avec les formes au quotidien et le montre : ce qui se répond entre les deux : l’image du caméléon/ du serpent, le corps à écailles qui mute sans cesse, jouissif... Intéressant aussi de voir quelqu'un de sa génération se tourner vers un art plus humble et classique et moins dans le coup de force théorique.









Neil Beloufa chez Balice Hertling, Paris



Ses vidéos installées, ces jeux d’écrans, d’images architecturées et texturées m’ont réjoui et fait sentir moins seul, avec ses échos à ma Danaé.










Milieux fossiles, Julien Pastor & Marie Preston à la Galerie époque(s)



Une expo entre amis et merveilles de la rencontre entre les deux artistes ET le lieu : une galerie d’antiquités modernes : des œuvres mêlées aux objets en vente à ce moment là, un rève de collectionneur : regard exacerbé qui met en valeur l’espace, les œuvres et le fond : un rapport aux formes enfouies, à la crystallisation, aux bijoux géologiques, à l’anthropomorphisme …









Le tombeau d'Archimède, Raphaël Zarka au grand café à Saint Nazaire



Electricité des formes aux échos et convolutions multiples : physiques, archaïques et ludiques, amusantes : ça grince, ca plie, ça s'emboite, se découpe... pas un tombeau, une renaissance.








et Polyphonies, Paul Klee à la Cité de la musique une scénographie et un thème banals mais des choix et présences d’œuvres extraordinaires, inévitablement)










Si ce petit best of sert surtout pour me rappeler là où il faut regarder, il faut dire que j’ai raté pas mal de choses que j’aurai beaucoup aimé voir : l’exposition Sciences et curiosités à la Cour de Versailles, au Château de Versailles, American prayer, Richard Prince à la BNF, Diane Arbus au jeu de paume (mais j'avais vu celle au V&A Museum en 2007), Beauté, morale et volupté dans l'Angleterre d'Oscar Wilde au Musée D’Orsay ni Postmodernism: Style and Subversion 1970-1990 au V&A à Londres, dommage …

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