dimanche 31 août 2014

Phyllis Galembo


non identifié


Phyllis Galembo prend en photo des participants aux défilés et carnavals, fêtes traditionnelles autant que déguisements contemporains. C'est justement dans le brouillage de ces distinctions entre l'authentique (traditions collectives) et le capricieux singulier que son travail prend toute sa force. Ce qui est capturé est fait pour être vu, il échappe donc au voyeurisme colonialiste. Elle ne montre pas des individus, ni des croyances, mais des personnages, des projections nées d'un montage mystérieux entre l'histoire et la mémoire des lieux, la puissance de jeu des individus et de délire formel. Même logique donc que l'éthnographie poétique et participative de Jean Rouch.

Okpo Masquerade, Calabar South, Nigeria, 2005

Mami Wata Mask, Cross River, Nigeria 2004

Water Buffalo Devil, Red Indians, Freetown, Sierra Leone, 2008


Phyllis Galembo travaille sur ce sujet depuis les années 80, d'Haiti au Nigeria, Ghana, Zambie, Bénin, Sierra Leone et Burkina-Faso, très fertile croisement entre question de genre (la puissance transformative, magique du costume et du masque sous le regard de l'autre) et question de culture minoritaire. Mais ce qui m'intéresse personnellement et justifie ce post, c'est simplement son rapport à ses sujets comme couleur et comme puissance picturale et esthétique, comme dérèglement visuel ou du visible. La puissance des images provient du paradoxe entre la théâtralité du costume, sa puissance délirante presque psychédélique (la veine surréalisante) et l'objectivité froide, mécanique, factuelle de la prise de vue photographique. La netteté du regard, droit, solide, amical et attentif (comme les Hilla & Bernd Becher) permet de VOIR et d'accéder au monde imaginaire et à la fiction ouverte par les costumes, masques et attitudes. Pour moi ce sont des peintures performées, des visions voyageuses, appelées à infiltrer les imaginaires et à circuler dans les cultures pour apparaître au moment nécessaire et opportun, par nécessité d'une expression, individuelle ou collective.



Galembo-Baby Dance of Etikpe, Cross River, Nigeria 2004

Ghost and Bull, Dodo Masquerade, Bobo-Dioulasso, Burkina Faso, 2009

Jaguar style or Ekong-Itaghafon, Calabar, Nigeria, 2005

Masquerade from Gossina Village, Burkina Faso, 2006

non identifié


Son travail fait suite à celui de Meatyard, déjà évoqué sur ce blog (elle a d'ailleurs réalisé une série sur les fêtes d'Halloween) et peut être comparé à celui de Cindy Sherman (Galembo aurait d'ailleurs mérité une bonne place dans l'expo récente sur l'objet surréaliste au Centre Pompidou) et son imaginaire rejoint parfois celui de Paul Klee. Plus proche, elle évoque bien sur Charles Fréger (bien plus mou, figé et pénible à mon goût), Hans Silvester (trop en retrait, selon moi, en terme de positionnement du photographe), Axel Hoedt et se situe à la suite d'Edward Curtis et finalement, elle s'inscrit dans toute la tradition du portrait photographique, aussi bien colonial, anthropométrique, documentaire, artistique, de mode que des images de pop stars en scène ou de la photo de films.

Gelede Masquerade, Agonli-Houegbo Village, Benin 2006

Ngar Ball Traditional Masquerade Dance, Cross River


Elle enseigne la photographie à New York et est représentée par la galerie Steven Kasher. Elle a également réalisé d'autres séries et travaillé sur d'autres sujets au Brésil, Mexique et Jamaïque.


Aucun commentaire: